dimanche 27 décembre 2015

Nord et Sud d'Elizabeth Gaskell


De quoi ça parle ?

L’héroïne est Margaret Hale, fille d’un pasteur du Sud rural qui quitte l’Église d’Angleterre pour des raisons de conscience et emmène sa femme et sa fille dans la ville industrielle de Milton dans le Darkshire (le Pays noir), où on lui propose un travail de professeur privé. Belle, intelligente et cultivée, mais aussi fière et réservée, Margaret découvre avec horreur l'univers âpre et brutal de la révolution industrielle où patrons et ouvriers s'affrontent dans les premières grèves organisées. Prenant le parti des pauvres dont elle admire le courage et la ténacité, et parmi lesquels elle se fait des amis, elle méprise profondément cette classe de nouveaux riches sans éducation que sont les manufacturiers, dont l'un, John Thornton, grand patron de filatures locales, devient l'élève favori et l'ami de son père. Mais, à travers épreuves et deuils, elle apprend à aimer cette ville et même John Thornton, dont elle découvre la grandeur d'âme et la générosité.

Pour quel lecteur ?

Nord et Sud est l’histoire d’un choc culturel, d’une rencontre entre deux individus tellement entiers, tellement forts qu’il est impossible qu’en se heurtant ils ne vous envoient pas des étincelles au visage. Margaret Hale et John Thornton batailleront dur. Ils s’affronteront, se vexeront, se blesseront soit par maladresse soit par instinct de protection. Ce roman rappelle beaucoup Orgueilet Préjugés de Jane Austen, et il est vrai qu’il existe un petit lien entre ces deux romans, de par la manière dont les deux personnages principaux s’attirent et se repoussent à la fois, créant ainsi une relation magnétique. Chaque scène où Margaret et John se retrouvent dans la même pièce apporte son lot d’incompréhensions, de frictions, de non-dits. Je ne suis pas du genre à minauder mais j’avoue que j’en ai eu des papillons dans le ventre du début à la fin ! Les romantiques vont donc tomber à la renverse ! En effet, je déteste les relations « faciles ». C’est-à-dire la relation où les personnages tombent follement amoureux dès le premier regard, sans se connaitre, sans s’être jaugés. Ici il s’agit d’un amour qui met plusieurs centaines de pages à naitre. Un amour qui nait de l’estime que l’on attache à son adversaire, et qui s’épanouit malgré les malentendus, malgré les différences sociales, culturelles et idéologiques. Et puis... les filles sans rire si je devais choisir un personnage de fiction pour en faire mon fiancé, ce serait sans aucune hésitation John Thornton!

Mais là où, à mon sens, Nord et Sud dépasse Orgueil et Préjugés (et je sais que je vais énerver une flopée de fanatiques de Jane Austen, voyez donc que je prends de sacrés risque !) c’est qu’il y a une dimension sociale et culturelle qui donne une profondeur incroyable à cette œuvre. Margaret ne se contente pas d’aller boire le thé ou de jouer au bridge pendant que ses cousines cherchent « un bon parti ». Non, ici c’est la plongée dans le monde industriel, dans la lutte ouvrière, parfois extrêmement violente. Mais Elizabeth Gaskell ne tombe jamais dans la facilité ni dans le cliché. Il n’y a ni mauvais patron ni mauvais ouvrier. Juste des personnes poussées par la nécessité du moment. Et ce roman est d’une modernité impressionnante sur ce point. En lisant certain passage, je n’ai pas pu m’empêcher de penser à l’affaire Air France, aux taxis Uber et autres points d’actualité. Il est très impressionnant de penser qu’en 1854 l’auteur avait déjà une telle hauteur de vue, et une telle finesse d’analyse. Chapeau bas ! Le Penseur y trouvera un sujet de réflexion très intéressant. Il en est de même pour les sujets liés à la religion, qui prend une place plus marginale mais bien réelle dans ce roman.

L’historien appréciera également de se plonger dans l’Angleterre victorienne, en pleine révolution industrielle. Une période de changement, où les richesses se font et se défont et où le statut social s’acquiert par la naissance mais également par le travail.

J’ai été éblouie, électrisée, fascinée par ce magnifique roman !
Un peu de Charlotte Brontë et un peu de Zola : sacrée recette pour un classique très anglais !

1 commentaire:

À petits pas de pages a dit…


> Je n'ai pas encore vu l'adaptation ciné la plus récente, mais je suis un peu réservée sur le chix de l'actrice! Je te conseille la version de la BBC avec Ruth Wilson que je trouve absolument geniale! (sur Jane Eyre)

>> C'est vrai que c'est une actrice que je n'aimais particulièrement pas, mais honnêtement dans cette adaptation ça va. Tu peux toujours regarder histoire de te faire un avis. En tout cas je ne garde pas un mauvais souvenir de ce film que j'ai vu juste après avoir lu Jane Eyre ! Merci pour le conseil, j'y jetterai un oeil ;)