De quoi ça parle ?
L’héroïne
est Margaret Hale, fille d’un pasteur du Sud rural qui quitte l’Église
d’Angleterre pour des raisons de conscience et emmène sa femme et sa fille dans
la ville industrielle de Milton dans le Darkshire (le
Pays noir), où on lui propose un travail de professeur privé. Belle,
intelligente et cultivée, mais aussi fière et réservée, Margaret découvre avec
horreur l'univers âpre et brutal de la révolution industrielle où patrons et
ouvriers s'affrontent dans les premières grèves organisées. Prenant le parti
des pauvres dont elle admire le courage et la ténacité, et parmi lesquels elle
se fait des amis, elle méprise profondément cette classe de nouveaux riches
sans éducation que sont les manufacturiers, dont l'un, John Thornton, grand
patron de filatures locales, devient l'élève favori et l'ami de son père. Mais,
à travers épreuves et deuils, elle apprend à aimer cette ville et même John
Thornton, dont elle découvre la grandeur d'âme et la générosité.
Pour quel lecteur ?
Nord et Sud
est l’histoire d’un choc culturel, d’une rencontre entre deux individus
tellement entiers, tellement forts qu’il est impossible qu’en se heurtant ils
ne vous envoient pas des étincelles au visage. Margaret Hale et John Thornton
batailleront dur. Ils s’affronteront, se vexeront, se blesseront soit par
maladresse soit par instinct de protection. Ce roman rappelle beaucoup Orgueilet Préjugés de Jane Austen, et il est vrai qu’il existe un petit lien entre ces
deux romans, de par la manière dont les deux personnages principaux s’attirent
et se repoussent à la fois, créant ainsi une relation magnétique. Chaque scène
où Margaret et John se retrouvent dans la même pièce apporte son lot d’incompréhensions,
de frictions, de non-dits. Je ne suis pas du genre à minauder mais j’avoue que
j’en ai eu des papillons dans le ventre du début à la fin ! Les
romantiques vont donc tomber à la renverse ! En effet, je déteste les
relations « faciles ». C’est-à-dire la relation où les personnages
tombent follement amoureux dès le premier regard, sans se connaitre, sans s’être
jaugés. Ici il s’agit d’un amour qui met plusieurs centaines de pages à naitre.
Un amour qui nait de l’estime que l’on attache à son adversaire, et qui s’épanouit
malgré les malentendus, malgré les différences sociales, culturelles et
idéologiques. Et puis... les filles sans rire si je devais choisir un personnage de fiction pour en faire mon fiancé, ce serait sans aucune hésitation John Thornton!
Mais là où,
à mon sens, Nord et Sud dépasse Orgueil et Préjugés (et je sais que je vais
énerver une flopée de fanatiques de Jane Austen, voyez donc que je prends de
sacrés risque !) c’est qu’il y a une dimension sociale et culturelle qui
donne une profondeur incroyable à cette œuvre. Margaret ne se contente pas d’aller
boire le thé ou de jouer au bridge pendant que ses cousines cherchent « un
bon parti ». Non, ici c’est la plongée dans le monde industriel, dans la
lutte ouvrière, parfois extrêmement violente. Mais Elizabeth Gaskell ne tombe
jamais dans la facilité ni dans le cliché. Il n’y a ni mauvais patron ni
mauvais ouvrier. Juste des personnes poussées par la nécessité du moment. Et ce
roman est d’une modernité impressionnante sur ce point. En lisant certain
passage, je n’ai pas pu m’empêcher de penser à l’affaire Air France, aux taxis
Uber et autres points d’actualité. Il est très impressionnant de penser qu’en
1854 l’auteur avait déjà une telle hauteur de vue, et une telle finesse d’analyse.
Chapeau bas ! Le Penseur y trouvera un sujet de réflexion très
intéressant. Il en est de même pour les sujets liés à la religion, qui prend
une place plus marginale mais bien réelle dans ce roman.
L’historien
appréciera également de se plonger dans l’Angleterre victorienne, en pleine
révolution industrielle. Une période de changement, où les richesses se font et
se défont et où le statut social s’acquiert par la naissance mais également par
le travail.
J’ai été
éblouie, électrisée, fascinée par ce magnifique roman !
Un peu
de Charlotte Brontë et un peu de Zola : sacrée recette pour un classique
très anglais !
1 commentaire:
> Je n'ai pas encore vu l'adaptation ciné la plus récente, mais je suis un peu réservée sur le chix de l'actrice! Je te conseille la version de la BBC avec Ruth Wilson que je trouve absolument geniale! (sur Jane Eyre)
>> C'est vrai que c'est une actrice que je n'aimais particulièrement pas, mais honnêtement dans cette adaptation ça va. Tu peux toujours regarder histoire de te faire un avis. En tout cas je ne garde pas un mauvais souvenir de ce film que j'ai vu juste après avoir lu Jane Eyre ! Merci pour le conseil, j'y jetterai un oeil ;)
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